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Mercredi 02 octobre 2019

Les nouveaux membres de la Commission électorale indépendante (CEI) ont prêté serment, le vendredi 27 Septembre 2019, devant le Conseil constitutionnel. A cette occasion, le Président du Conseil constitutionnel, Mamadou KONE, a livré un discours à l’intention des impétrants. Ci-dessous, son allocution

Mesdames et Messieurs, distingués invités.

C'est avec une fierté certaine que je prends la parole pour vous exprimer les sentiments de gratitude du Conseil constitutionnel pour votre présence distinguée  qui confère à  l'évènement du jour, tout le rayonnement  que requiert sa solennité.

Je voudrais également m’adresser, de manière spécifique, à mesdames et messieurs les Commissaires centraux que nous célébrons aujourd’hui, pour leur exprimer les chaleureuses félicitations du Conseil constitutionnel pour avoir emporté la confiance des personnalités et structures qui ont porté leur choix sur eux, parmi vingt-cinq millions de nos compatriotes, pour faire partie de l’équipe restreinte des quinze personnes à qui incombera la lourde et délicate charge d’organiser les prochaines élections, dans notre pays.

La présente cérémonie  a pour fondement la loi relative à la Commission Electorale Indépendante   (CEI), qui prescrit en son article 7, que : "avant leur entrée en fonction, les membres de la commission centrale de la CEI prêtent serment devant le Conseil constitutionnel..".

C'est donc cette prescription qui vient d'être satisfaite sous vos yeux.

Mais, quel sens faut-il donner à cette cérémonie ?

Il y a d'abord la volonté du législateur d’appeler l’attention des impétrants sur le niveau élevé de la charge qui leur incombe, en lien avec les enjeux électoraux, puis, le caractère obligatoire qui s'attache à la prestation de serment.

Il y a ensuite l'engagement formel et solennel  que cette cérémonie inspire à  l'impétrant lui-même et qui a vocation à déterminer  sa manière d'accomplir  sa mission.

Mesdames et messieurs les Commissaires ! 

Il était parfaitement loisible au Conseil constitutionnel, surtout en cette ère de la vitesse, d’invoquer des contraintes de temps liées au déroulement de la cérémonie, pour se contenter de vous lire la formule de votre serment et de vous demander, à tour de rôle, de lever la main droite et de dire : « Je le jure ! ».

Mais, en raison de l’importance que le Conseil constitutionnel attache, et qu’il vous exhorte à attacher, à ce serment, l’option a été prise de vous inviter plutôt à le lire intégralement, chacun à son tour, de sorte que, l’ayant personnellement visualisé, puis entendu au moins quinze fois ce matin, vous en soyez tous profondément imprégnés.

Oui, Mesdames et messieurs les Commissaires centraux !

La volonté qui anime le Conseil constitutionnel ce matin est de transcender le simple aspect protocolaire de la présente cérémonie pour vous inviter à une immersion totale dans l’univers de la Commission Electorale Indépendante qui sera désormais le vôtre tout au long de votre mandat, et qui est sommairement décrit dans la formule du serment que vous venez de prêter.

En effet, Mesdames et messieurs les Commissaires, votre serment vous recommande d’exercer votre fonction en toute indépendance et en toute impartialité, dans le respect de la Constitution et du Code électoral, et à garder le secret des délibérations et des votes.

Que faut-il entendre par ces termes ?

D’abord l’indépendance.

Dans le contexte qui est le vôtre, c’est-à-dire à la Commission Electorale Indépendante, l’indépendance peut se définir comme l’absence de lien de subordination ou de sujétion à l’égard de quiconque.

Cette indépendance, faut-il le rappeler, vous est octroyée par la loi, c’est-à-dire le peuple de Côte d’Ivoire, à travers ses représentants que sont les Députés et les Sénateurs.

La volonté du législateur de vous accorder l’indépendance vient même d’être confirmée par une innovation majeure.

En effet, dans la précédente mouture de la loi sur la Commission Electorale Indépendante, les membres de la Commission centrale, c’est-à-dire vos devanciers, étaient désignés comme étant les « représentants » des personnalités et des structures qui les proposaient. Cette situation comportait l’inconvénient majeur de faire croire à l’opinion, et même aux intéressés, à tort, bien entendu, puisque leur prestation de serment les libérait de toute emprise, qu’ils étaient les défenseurs d’intérêts particuliers ou partisans.

Pour lever toute équivoque et éviter tout quiproquo, la réforme introduite par la loi du 02 août 2019 a remplacé le mot « représentants » par l’expression « proposé par », qui, elle, n’induit aucune relation de subordination. 

Ainsi, désormais, le Commissaire central est certes proposé par une structure ou un organe, mais il a, sans conteste, vocation à œuvrer dans le seul intérêt de la Nation, et non celui de cette structure ou de cette personnalité, à l’image du Parlementaire qui, élu dans une circonscription déterminée, devient, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, le représentant de la Nation tout entière, avec interdiction de tout mandat impératif.

Le législateur vous a donc octroyé l’indépendance. Il vous revient à présent de l’intégrer à votre équation personnelle, pour en faire le meilleur usage possible.

Cet ajustement au niveau de votre état d’esprit est d’autant plus nécessaire que vous ne mettrez pas longtemps à comprendre que si tous les ivoiriens, sans exception, sont favorables à une Commission Electorale Indépendante, dans le même temps, nombreux sont ceux de nos compatriotes qui estiment que cette indépendance ne leur est pas opposable et qu’ils doivent pouvoir vous entreprendre lorsqu’ils sont concernés, ou simplement intéressés, par une candidature. Chez nous on appelle cela « les interventions ». On viendra alors, directement ou par personne interposée, vous suggérer gentiment, amicalement fraternellement même,  mais en réalité insidieusement, de « tout faire » pour barrer le chemin à tel candidat, ou favoriser l’élection de tel autre. Ce sera autant de violations de votre indépendance, et vous devrez pouvoir y résister.

Dans votre souci d’indépendance, vous aurez deux alliés majeurs : la Constitution et le Code électoral, comme l’indique la formule de votre serment. Vous devez donc en faire votre livre de chevet, le bréviaire dans lequel vous puiserez toutes les réponses à toutes les préoccupations de tout le monde. Je vous engage donc à en avoir une parfaite connaissance et, en temps opportun, une totale maîtrise.

Mesdames et messieurs les Commissaires centraux !

Dans votre serment, vous vous êtes engagés aussi à exercer vos fonctions en toute impartialité.

L’impartialité, c’est l’objectivité, l’absence de parti pris. Dans votre cas, ce sera le fait d’appliquer, à chaque élection, les règles prévues par la Constitution et le Code électoral et d’en tirer les conséquences, sans état d’âme, dans un seul but : la proclamation de la vérité des urnes.

Mesdames et messieurs les Commissaires centraux !

Ce matin, vous vous êtes également engagés à respecter la confidentialité de vos délibérations, et cela, même après la cessation de vos fonctions.

Cette précaution, voulue par le législateur, confirme votre entrée dans un cercle d’initiés. Vous aurez désormais accès à des informations dont la sensibilité commande la plus grande discrétion. C’est une question de responsabilité. La pratique se chargera de vous en apprendre davantage.

Mesdames et messieurs les Commissaires centraux!

Voici, brièvement exposés, les engagements que vous venez de prendre devant Dieu et devant la Nation.

Si vous les tenez, vous perdrez beaucoup d’amis, mais vous gagnerez l’amitié de votre conscience.

Je voudrais donc vous exhorter au strict respect de votre serment, et ce, en toutes circonstances.

Je ne saurais insister outre mesure sur cette obligation car, à l’instar de tous les Ivoiriens, vous-mêmes, avez encore en mémoire les événements douloureux d’un passé récent qui a gravement endeuillé de très nombreuses familles, évènements qui ont pour nom, hélas tristement célèbre : la crise post-électorale de 2010.

Honorables personnalités, 

Distingués invités,

Mesdames et messieurs,

Au moment où ils commencent leur mandat, nous avons tous ensemble, le devoir d’adjurer  les membres de la Commission centrale de la CEI, de tout mettre en œuvre pour que leurs délibérations et leurs votes n’aient pour seuls objectifs et pour unique effet, que la préservation de la Paix et de la Cohésion Sociale chèrement acquises et encore bien fragiles dans notre beau pays la Côte d’Ivoire.

Honorables personnalités, 

Distingués invités,

Mesdames et messieurs,

En réitérant nos chaleureuses félicitations aux membres de la Commission Centrale de la CEI dont le Conseil constitutionnel vient de recevoir le serment, je vous remercie de votre aimable attention !