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Contrairement à la perception réductrice que l’opinion publique a des fonctions du Conseil constitutionnel, celui-ci jouit de compétences étendues et variées, qui se résument en deux rubriques : d’un côté, les compétences juridictionnelles ; de l’autre, les compétences consultatives.

Ce sont celles dont l’exercice amène le Conseil constitutionnel à statuer comme une juridiction et, par suite, à rendre une décision avec autorité de chose jugée. A cet égard, les compétences du Conseil constitutionnel se déclinent en compétences contentieuses et en compétences non contentieuses.

SECTION I: LES COMPETENCES CONTENTIEUSES

Ce sont les compétences juridictionnelles que le Conseil constitutionnel exerce en conséquence ou en prévision d’un litige ou d’une contestation. On distingue, à cet égard, le contrôle des votations populaires, le contrôle de constitutionnalité et la protection de la répartition des compétences.

PARAGRAPHE PREMIER : LE CONTROLE EN MATIERE DE VOTATIONS POPULAIRES

Les votations populaires désignent les scrutins auxquels le peuple prend part ; il s’agit du référendum et des élections nationales, à caractère politique.

A - LE CONTROLE DES OPERATIONS DE REFERENDUM

En vertu de l’article 43 de la Constitution du 1er août 2000, le peuple peut être amené à se prononcer, par vote, sur tout texte ou toute question que le Président de la République croit devoir lui soumettre, après consultation du bureau de l’Assemblée nationale. Cette disposition n’est pas nouvelle ; elle est la reproduction de l’article 14 de la Constitution du 3 novembre 1960. Sa mise en oeuvre donne lieu à l’organisation d’un référendum. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel d’organiser le référendum ; le Conseil constitutionnel intervient en aval : il « contrôle la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats », aux termes de l’article 94 de la Constitution.

Or, la loi organique, prise en application de la Constitution, énonce, étonnamment, en son article 42, alinéa 1er, que le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs du référendum. Ce qui amène à se demander s’il y a des résultats provisoires, et qui les proclame. Assumant le rôle que lui confie la Constitution, le Conseil constitutionnel statue sur les « réclamations » et « contestations » éventuelles. Mais, il est à préciser que le Conseil constitutionnel est tenu de vérifier la régularité des opérations du référendum, même en l’absence de réclamations ou de contestations, avant de proclamer les résultats, comme ce fut le cas en 2000, à la suite de l’organisation du référendum constituant et législatif des 23 et 24 juillet20.

B - LE CONTRÔLE DES ELECTIONS NATIONALES

Il doit être précisé, d’emblée, que le contrôle (contentieux) des élections locales, élections à caractère administratif, relève, aux termes du code électoral, de la compétence du Conseil d’Etat, créé par la Constitution ; cette compétence est, conformément à l’article 130 de la Constitution, provisoirement exercée par la Chambre administrative de la Cour suprême, en attendant l’installation du Conseil d’Etat. Il en va différemment du contrôle des élections nationales, élections à caractère politique, que sont l’élection présidentielle et les élections législatives.

1°) LE CONTROLE DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE

Le contrôle de l’élection présidentielle relève, aux termes de l’article 94 de la Constitution, du Conseil constitutionnel, en ses deux branches que sont le contentieux de l’éligibilité et le contrôle de l’élection.

a) Le contentieux de l’éligibilité

Il intervient avant la tenue du scrutin. Il se rapporte au point de savoir si le candidat dont le dossier est parvenu au Conseil constitutionnel remplit les conditions prescrites par la Constitution et le code électoral pour faire valablement acte de candidature. Il obéit à une procédure complexe : les candidatures, transmises par les soins de la Commission électorale indépendante au Conseil constitutionnel, celui-ci les publie sans délai ; puis, il reçoit, « dans les soixante-douze heures suivant la publication des candidatures » les réclamations et observations des candidats ou des formations politiques « les parrainant éventuellement » Les conditions de forme satisfaites, le Conseil constitutionnel statue au fond et déclare les candidats éligibles ou constate leur inéligibilité22. Après quoi, le Conseil constitutionnel arrête et publie la liste définitive des candidats.

b) Le contrôle de l’élection

Ici, le Conseil constitutionnel joue un rôle qui va au-delà de la connaissance du contentieux. En effet, l’article 94 de la Constitution énonce, certes, que « le Conseil constitutionnel statue sur les contestations relatives à l’élection du président de la République », mais, il confie également au Conseil constitutionnel le soin de proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle. C’est à cette fin que le code électoral, en son article 59, alinéa 3, prévoit que « la Commission chargée des élections communique au Conseil constitutionnel un exemplaire des procès-verbaux accompagnés des pièces justificatives dans les trois jours qui suivent le scrutin ». Il est évident que, même en dehors de tout contentieux, le Conseil constitutionnel ne peut proclamer les résultats définitifs sans avoir contrôlé la régularité et la sincérité du scrutin.
S’agissant du contentieux de l’élection, l’article 60 du code électoral prévoit que le Conseil constitutionnel est saisi par « tout candidat à l’élection du Président de la République ». Le saisissant doit agir par requête écrite adressée au Président du Conseil constitutionnel dans le délai de « trois jours » qui suit « la clôture du scrutin ». Le code électoral, en ses articles 61 et 62, impose au Conseil constitutionnel l’obligation de statuer dans un délai de sept jours à compter de la saisine. Le contentieux de l’élection peut, au fond, donner lieu à la confirmation de l’élection lorsque les irrégularités, constatées et ayant donné lieu à des annulations partielles et à des redressements, ne sont pas de nature à modifier les résultats d’ensemble25; il peut, au contraire, conduire à l’annulation du scrutin et à la reprise de l’élection présidentielle lorsque « le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble »26. Ce n’est pas ce qui s’est produit en 2010, à la suite du second tour de l’élection présidentielle où le Conseil constitutionnel a, au mépris du code électoral, proclamé un élu après avoir annulé, pour irrégularités graves, le scrutin dans les départements du centre et du nord27. Les conséquences d’une telle violation de la loi furent la guerre, puis, la rectification des résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 par le Conseil constitutionnel lui-même28.

2°) LE CONTENTIEUX DES ELECTIONS LEGISLATIVES

Il comporte trois branches relevant, toutes, de la compétence du Conseil constitutionnel, à l’exclusion de l’Assemblée nationale qui, par le passé, a eu à recevoir compétence pour connaître du contentieux de l’élection29.

a) Le contentieux de l’éligibilité

Comme l’indique sa dénomination, ce contentieux, prévu par les articles 60 et 94 de la Constitution, porte sur le point de savoir si tel candidat, dont l’éligibilité aux élections législatives est contestée, remplit les conditions en vigueur pour faire valablement acte de candidature. Tout logiquement, ce contentieux intervient avant l’organisation ou la tenue du scrutin.
En vertu de l’article 98 du code électoral, l’éligibilité de tout candidat aux élections législatives peut être contestée par tout électeur de la circonscription électorale considérée. La requête n’est recevable que « dans le délai de huit jours à compter de la date de publication de la candidature ». Et le Conseil constitutionnel est tenu de statuer dans le délai de quinze jours pour compter de la saisine30 ; ce délai est réduit à trois jours lorsque la saisine du Conseil constitutionnel est le fait du candidat contestant le rejet de sa candidature par la Commission électorale indépendante.
Ce contentieux donne lieu à deux types de décisions au fond : ou bien, le Conseil constitutionnel constate l’éligibilité du candidat ou bien, il déclare que celui-ci est inéligible .

b) Le contentieux de l’élection

Consacré par les articles 60 et 94 de la Constitution, il se rapporte aux réclamations ou contestations portant sur la régularité ou la sincérité de l’élection. Le Conseil constitutionnel peut être saisi à ce sujet, aux termes de l’article 101 du code électoral, par tout électeur, tout candidat, toute liste de candidats ou tout parti ou groupement politique ayant parrainé une candidature. La requête, adressée au Secrétaire général, doit être introduite « dans le délai de cinq jours francs, à compter de la proclamation des résultats ».
Ce sont là les conditions de recevabilité du recours. Celles-ci satisfaites, le Conseil constitutionnel statue au fond et, aux termes de l’article 41, alinéa 2, de la loi organique, « la décision doit être rendue un mois avant la rentrée parlementaire » que la Constitution, en son article 62, alinéa 2, fixe au « dernier mercredi d’avril ».
Ici, le Conseil constitutionnel a les pleins pouvoirs35 : il peut confirmer l’élection ; il en est ainsi dans les hypothèses suivantes : la première est celle où les irrégularités alléguées ne sont pas prouvées36 ; la deuxième hypothèse est celle où les irrégularités, prouvées en tout ou partie, ne sont pas de nature à affecter la régularité ou la sincérité du scrutin ; dans ces conditions, la validité de l’élection s’en trouve préservée37. Le Conseil constitutionnel peut, par ailleurs, réformer les résultats de l’élection ; dans ce cas, l’élu ou ses concurrents peuvent voir leurs résultats modifiés en plus ou en moins, et le Conseil constitutionnel peut, aux termes de l’article 39 de la loi organique, confirmer l’élection ou « proclamer le candidat qui a été régulièrement élu ».
Enfin, le Conseil constitutionnel peut annuler l’élection ; c’est le cas lorsqu’il est établi que des irrégularités graves ont affecté le scrutin.
La vacance que provoque l’annulation appelle, aux termes de l’article 103 du code électoral, l’organisation d’élections partielles « dans les six mois qui suivent la vacance dans la circonscription électorale considérée ».

c) Le contentieux de la déchéance

Au contraire du contentieux de l’éligibilité et du contentieux de l’élection, le contentieux de la déchéance n’est pas prévu par la Constitution ; c’est plutôt le code électoral qui, en son article 102, le consacre. Il tend à obtenir que soit déchu de son mandat « l’élu dont l’inéligibilité est établie », en cours de mandat. La saisine du Conseil constitutionnel appartient à tout candidat de la même circonscription électorale ; le requérant peut agir à tout moment de la législature
. Cette branche du contentieux électoral n’a pas encore enregistré de décision de la part du Conseil constitutionnel ; cette situation tient au fait que les saisissants qui ont contesté l’éligibilité d’élus se sont placés, anormalement, sur le terrain du contentieux de l’élection.
A côté du contrôle des votations populaires existe le contrôle de constitutionnalité qu’il importe d’examiner maintenant.

PARAGRAPHE II : LE CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITE

La Constitution est l’acte qui organise l’Etat ; c’est elle qui dote l’Etat des organes par lesquels il agit ; elle est donc la source des institutions de la République et des organes qui les font vivre ; la Constitution est, de ce fait, la loi suprême de l’Etat.
De ce statut il découle l’obligation pour tous les organes de veiller à la conformité de leurs actes à la Constitution. Or, l’obligation de conformité implique la possibilité de désobéissance, et donc la possibilité de violer la Constitution. D’où l’institution d’un contrôle de constitutionnalité, destiné à garantir la suprématie de la Constitution. Toutefois, cette exigence connaît des limites en ce sens que certains actes échappent au contrôle de constitutionnalité.

A – LES ACTES EXCLUS DU CONTROLE

Il s’agit, en tout premier lieu, des lois constitutionnelles, c’està- dire des lois de révision de la Constitution. Il en est ainsi parce que la Constitution ne prévoit pas formellement le contrôle de ces actes. Or, les lois de révision de la Constitution sont prises par le pouvoir constituant dérivé ou pouvoir de révision, qui est un pouvoir institué et organisé par la Constitution elle-même. Ce pouvoir est soumis à des règles de procédure ; il est, de plus, enfermé dans des limites tenant au moment ou à l’objet de la révision ; il est donc un pouvoir conditionné. Comme tel, il aurait dû être soumis au contrôle du juge constitutionnel comme c’est le cas en Allemagne, en Italie, au Mali ou au Bénin. Il y a, ensuite, les lois référendaires, que la Constitution ne soumet pas non plus au contrôle de constitutionnalité, sans doute parce qu’elles émanent du peuple lui-même. Or, le peuple est le titulaire de la souveraineté. Et le propre de la souveraineté, c’est d’échapper à tout contrôle. Le problème que pose une telle situation est celui de l’attitude à avoir en cas de contrariété entre une loi référendaire et la Constitution. Enfin, les actes administratifs : ce sont les actes décisoires pris par les autorités administratives. Ces actes échappent au contrôle de constitutionnalité assuré par le Conseil constitutionnel, mais, ils ne sont pas soustraits à tout contrôle : ils relèvent, aux termes de la loi relative à la Cour suprême, de la Chambre administrative ; il y a tout lieu de penser que cette compétence sera dévolue au Conseil d’Etat lorsque celui-ci, créé par la Constitution, sera organisé et installé. On peut se demander pourquoi les actes du Président de la République, qui bénéficient d’une autorité certaine du fait de l’origine populaire de leur auteur, ne relèvent pas du Conseil constitutionnel comme l’est la loi parlementaire, oeuvre d’une instance qui procède, elle aussi, du suffrage universel.

B- LES ACTES ASSUJETTIS AU CONTROLE

Le Conseil constitutionnel a, en la matière, une compétence d’attribution en ce que la Constitution désigne expressément les actes soumis à son contrôle. Le régime de ces actes offre de distinguer entre ceux qui font l’objet d’un contrôle obligatoire et ceux qui sont soumis à un contrôle facultatif.

1°) LE CONTROLE OBLIGATOIRE

Il vise trois types d’actes : les traités, les lois organiques et le règlement de l’Assemblée nationale

a) Les traités ou accords internationaux

Il s’agit d’actes que l’Etat de Côte d’Ivoire conclut avec d’autres sujets de droit international, et notamment des Etats. Ces actes, une fois ratifiés, ont, aux termes de l’article 87 de la Constitution, « une autorité supérieure à celle des lois », « dès leur publication », « sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie ». Pourvus d’une autorité seulement supérieure à celle des lois, les traités ou accords internationaux ne sauraient se trouver au même niveau que la Constitution. D’où l’idée de les soumettre à un contrôle de conformité à la Constitution avant qu’ils ne prennent place dans l’ordre juridique de l’Etat. Mais, tous les traités ou accords internationaux ne sont pas assujettis à un tel contrôle. Seuls sont visés certains « engagements internationaux » ; l’article 95 de la Constitution renvoie, à ce sujet, à l’article 84 de la Constitution ; il s’agit, là, d’une erreur matérielle ; en réalité, le texte pertinent est, plutôt, l’article 85 de la Constitution qui désigne « les traités de paix, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l’Etat », c’est-à-dire ceux dont la ratification est subordonnée à une loi d’habilitation.
Ces traités ou accords sont soumis à un contrôle obligatoire. Ce contrôle doit intervenir avant la ratification, qui est l’acte par lequel l’Etat exprime sa volonté de se voir lié, obligé par les stipulations du traité ou de l’accord international. Plus précisément, le contrôle doit intervenir avant le vote de la loi autorisant le président de la République à ratifier le traité ou l’accord international. A cet effet, l’article 95, alinéa 1er de la Constitution, et l’article 18, alinéa 1er, de la loi organique prévoient que la saisine du Conseil constitutionnel doit intervenir par les soins du président de la République, du président de l’Assemblée nationale ou d’un quart au moins des députés. Et le Conseil constitutionnel dispose, aux termes de l’article 21 de la loi organique, d’un délai de quinze jours, à compter de la saisine, pour se prononcer ; ce délai est ramené à huit jours en cas d’urgence. L’examen de la jurisprudence révèle ce qui suit : en la forme, le Conseil constitutionnel décide qu’ « il n’y a pas lieu à saisir le Conseil constitutionnel » des traités ne rentrant pas dans la catégorie de ceux désignés par la Constitution42. Au fond, lorsque le traité ou accord international est jugé conforme à la Constitution, sa ratification peut intervenir43. En revanche, et conformément à l’article 86 de la Constitution, le traité reconnu contraire à la Constitution ne peut être ratifié qu’après la révision de la Constitution44

b) Les lois organiques

Elles constituent une catégorie d’acte dont on peut penser qu’elles prennent immédiatement place après le traité ou accord international et avant la loi ordinaire ; leur rang par rapport au traité peut être reçu comme venant de la Constitution qui, en son article 87, place le traité au-dessus des « lois », sans distinguer entre lois organiques et lois ordinaires. Leur objet est, comme le prévoit l’article 71 de la Constitution, de prolonger et de compléter la Constitution relativement à l’organisation et au fonctionnement des institutions constitutionnelles. Leur adoption obéit à une procédure renforcée, distincte de celle requise pour la loi ordinaire. Compte tenu de leur place dans la hiérarchie des actes, les lois organiques font partie, dans certains Etats, tels le Bénin, des normes de référence, c’est-à-dire des normes à l’aune desquelles est appréciée la validité des lois ordinaires.
C’est, sans doute, pour cette raison que les lois organiques sont soumises à un contrôle de constitutionnalité obligatoire avant leur promulgation45, c’est-à-dire avant l’intervention du décret par lequel le Président de la République constate que la loi a été adoptée conformément à la Constitution et donne, en conséquence, l’ordre de l’exécuter.
La saisine du Conseil constitutionnel incombe au Président de la République ou au Président de l’Assemblée nationale, et elle doit intervenir avant la promulgation de la loi. Le Conseil constitutionnel a un délai de quinze jours pour statuer ; ce délai est ramené à huit jours en cas d’urgence46. Le Conseil constitutionnel peut rendre, en la forme, une décision d’irrecevabilité, au fond, une décision de conformité ou de contrariété à la Constitution, comme dans l’hypothèse du contrôle de constitutionnalité de la loi ordinaire, aux développements de laquelle on peut se reporter utilement.

c) Le règlement de l’Assemblée nationale et ses modifications

La Constitution détermine des règles régissant l’Assemblée nationale. Elle lui consacre son titre IV, constitué de treize articles ; elle règle, en outre, par l’effet du titre V, comprenant treize autres articles, les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Mais, tout n’y est pas. C’est pourquoi, la Constitution, en son article 70, alinéa 1er, énonce que « l’Assemblée nationale établit son règlement ». Celui-ci a pour but de compléter la Constitution à travers la détermination des règles « de détail » se rapportant à l’organisation et au fonctionnement de l’Assemblée nationale. Régissant l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale, à la suite de la Constitution, le règlement gouverne la procédure législative. C’est dire que les questions touchant l’examen, la discussion et le vote des lois sont réglées, en partie, conformément au règlement de l’Assemblée nationale. On comprend, dès lors, que dans certains Etats comme le Bénin, le règlement de l’Assemblée nationale fasse partie des normes de référence. On comprend également qu’en Côte d’Ivoire, l’article 70 de la Constitution impose le contrôle obligatoire du « règlement » de l’Assemblée nationale et de « ses modifications ultérieures », « avant leur entrée en vigueur ».
Sur cette question, la Constitution introduit l’ambiguïté en énonçant, en son article 95, alinéa 1er, que « les règlements de l’Assemblée nationale, avant leur mise en application, doivent être déférés… au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ». Ce faisant, la Constitution donne d’entendre que l’entrée en vigueur et la mise en application sont des termes ou des expressions interchangeables. Ce qui est inexact du point de vue technique : l’entrée en vigueur est la condition de la mise en application ; l’une est en amont, l’autre en aval ; elles ne sont donc pas à confondre. La saisine du Conseil constitutionnel ne relève que de deux personnalités : le Président de la République ou le Président de l’Assemblée nationale agissant avant la mise en application du règlement48. Le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de quinze jours, à compter de la saisine, pour statuer49. Il va de soi que le règlement jugé conforme à la Constitution peut être mis en application ; reconnu contraire à la Constitution, le règlement de l’Assemblée nationale ne peut être mis en application avant les modifications rendues nécessaires par la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel.

2°) LE CONTROLE FACULTATIF

Il peut intervenir de deux manières différentes : soit par voie d’action, soit par voie d’exception.

a) Le contrôle par voie d’action

Il se rapporte aux lois ordinaires qui forment la masse la plus importante du point de vue quantitatif. Ces lois font l’objet d’un contrôle facultatif, c’est-à-dire d’un contrôle laissé à la discrétion d’un certain nombre d’organes ou de personnes désignés par la Constitution et la loi organique : le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, tout groupe parlementaire, 1/10ème des membres de l’Assemblée nationale ou les associations de défense des droits de l’homme légalement constituées. Il doit être précisé que les associations de défense des droits de l’homme ne peuvent, en ce qui les concerne, déférer au juge constitutionnel que les lois relatives aux libertés publiques51. Dans un cas comme dans l’autre, la saisine du Conseil constitutionnel doit intervenir avant la promulgation de la loi52. Le contrôle par voie d’action est ainsi enfermé dans le temps pour des raisons tenant à la sécurité juridique.
Le Conseil constitutionnel est tenu de statuer dans un délai de quinze jours, à compter de la saisine53. Lorsqu’il déclare la loi conforme à la Constitution, celle-ci peut être promulguée ; en revanche, lorsque le Conseil constitutionnel rend une décision de non-conformité, l’article 99 de la Constitution et les articles 24 et 25 de la loi organique donnent de distinguer : la loi déclarée tout entière contraire à la Constitution ne peut être promulguée. Si au contraire, une partie seulement est reconnue contraire à la Constitution, alors, il faut voir si la disposition concernée est séparable ou non de l’ensemble du texte ; dans le cas où la disposition déclarée contraire à la Constitution est détachable de l’ensemble du texte, alors, la promulgation des dispositions non frappées d’inconstitutionnalité est possible ; dans l’hypothèse où la disposition déclarée contraire à la Constitution est inséparable de l’ensemble de la loi, celleci ne peut être promulguée telle quelle. Comme on le constate, la Constitution règle imparfaitement la question en empêchant simplement la promulgation de la loi, c’est-à-dire en la privant d’effet ; ce faisant, elle transforme le contrôle de constitutionnalité qui est un contrôle de validité en un contrôle d’effectivité. La solution logique, conforme à la nature du contrôle par voie d’action, devrait être celle de l’annulation de la loi contraire à la Constitution54.

b) Le contrôle par voie d’exception
A côté du contrôle par voie d’action qu’on vient de voir existe le contrôle par voie d’exception, qui consiste à soulever l’inconstitutionnalité de la loi à l’occasion d’un procès ouvert devant le juge ordinaire. Relativement à ce contrôle, la Constitution dispose, en son article 96, que « tout plaideur peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi devant toute juridiction ». A la suite de quoi, « la juridiction devant laquelle l’exception d’inconstitutionnalité a été soulevée surseoit à statuer et impartit au plaideur un délai de quinze jours pour saisir le Conseil constitutionnel »55. Ainsi, « le plaideur », c’est-à-dire toute partie au procès, peut accéder au prétoire du juge constitutionnel. Celui-ci a quinze jours pour statuer ; en cas d’urgence, ce délai est ramené à huit jours56. Examinant la forme, le Conseil constitutionnel rend une décision d’incompétence lorsque le recours par voie d’exception a été dirigé, non pas contre une loi, mais contre un traité57 ou une décision d’irrecevabilité lorsque l’exception d’inconstitutionnalité a été soulevée non pas devant une « juridiction de jugement », mais, devant « le juge d’instruction »
. Au fond, le Conseil constitutionnel peut constater que la loi est conforme à la Constitution ; tout logiquement, une telle loi peut s’appliquer. Le Conseil peut également déclarer la loi contraire à la Constitution. Dans ce cas, la question se pose de savoir quel est le sort d’une telle loi. Ce qui est évident, c’est que la loi déclarée contraire à la Constitution par voie d’exception ne peut s’appliquer au procès en cours. Mais, on ne sait si ladite loi peut trouver à s’appliquer en d’autres circonstances ; l’article 99 de la Constitution énonçant qu’ « une disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être promulguée ou mise en application », n’est guère éclairant. Toutefois, il apparaît conforme à la logique et aux exigences de l’Etat de droit qu’une telle loi ne s’applique plus, compte tenu de son inconstitutionnalité reconnue par le juge constitutionnel.

PARAGRAPHE III : LA PROTECTION DE LA REPARTITION DES COMPETENCES

La Constitution ivoirienne, à la manière de la Constitution française du 4 octobre 1958 et, comme les Constitutions des autres Etats d’Afrique noire francophone, institue deux domaines de réglementation : un domaine confié au parlement59, et un autre, reconnu au président de la République. La logique soutenant cette répartition est que chaque organe ne doit intervenir que dans le champ de compétence qui lui est tracé. Ainsi, les députés ne peuvent, de leur initiative, intervenir dans des matières qui ne relèvent pas du domaine de l’Assemblée nationale. C’est ce que sanctionne l’article 76 de la Constitution qui énonce : « Les propositions et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi sont irrecevables. L’irrecevabilité est prononcée par le président de l’Assemblée nationale ». Cette disposition constitutionnelle peut, dans son interprétation et dans son application, donner lieu à contentieux.
La Constitution désigne le Conseil constitutionnel pour trancher, sur saisine du président de la République ou d’ « un quart au moins des députés ». Et le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de quinze jours pour statuer. L’on doit souligner que le rôle du Conseil constitutionnel touchant la protection de la répartition des compétences entre les deux pouvoirs politiques connaît des limites : la première limite tient au fait que lorsque les députés adoptent un projet de loi (texte émanant du président de la République) comportant des dispositions matériellement réglementaires, cette situation ne donne pas lieu à contentieux, et le Conseil constitutionnel n’a pas reçu compétence pour en connaître ; la deuxième limite tient à l’hypothèse où le président de la République, détenteur du pouvoir réglementaire autonome, empièterait sur le domaine de la loi : la sanction de cette irrégularité ne relève pas de la compétence du Conseil constitutionnel, mais de celle de la Chambre administrative de la Cour suprême, qualifiée pour connaître de la régularité des actes administratifs. Ce sont là les compétences que le Conseil constitutionnel exerce en matière contentieuse ; elles ne sauraient couvrir tout le champ des compétences juridictionnelles ; celles-ci comportent également des compétences non contentieuses, qu’il convient d’examiner.

SECTION II : LES COMPETENCES NON CONTENTIEUSES

Ce sont les compétences que le Conseil constitutionnel exerce en tant que juridiction, mais dont la mise en oeuvre n’a pas sa source dans un conflit ou un litige né. Ces compétences participent de la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit ; en cela, elles tendent à prévenir tout conflit, à préserver le caractère concurrentiel du jeu électoral et à sauvegarder la paix sociale.

PARAGRAPHE PREMIER : LE CONTROLE DES INCIDENTS LIES AU PROCESSUS ELECTORAL

Des incidents peuvent se produire aux différentes étapes du processus de l’élection présidentielle. La mission confiée, ici, au Conseil constitutionnel, tend, d’une part, à conférer à l’élection présidentielle le caractère d’une compétition en régime démocratique afin que les électeurs aient véritablement à choisir ; d’autre part, à préserver la régularité et la sincérité du scrutin. Au titre du premier volet de la mission, l’article 37 de la Constitution envisage trois situations : en premier lieu, l’alinéa 1er dudit article prévoit : « Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate, décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider du report de l’élection ». Ici, le Conseil constitutionnel a un pouvoir d’appréciation qui pourrait l’amener à reporter ou à ne pas reporter la tenue du scrutin. On peut s’interroger sur le sens et l’intérêt d’une telle disposition.
La deuxième hypothèse, envisagée par l’alinéa 2 de l’article 37 de la Constitution est celle où avant le premier tour de l’élection présidentielle, l’ « un des candidats décède ou se trouve empêché » ; dans cette hypothèse, le Conseil constitutionnel ne peut que prononcer le report de l’élection.
Le troisième cas est celui où « l’un des deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour » décède ou se trouve empêché ; là, la solution retenue par le constituant ne manque pas de surprendre : « le Conseil constitutionnel décide la reprise de l’ensemble des opérations électorales ».
Si la tâche du Conseil constitutionnel est bien définie, il en va différemment de la saisine : le Conseil constitutionnel se saisit- il de la question ou est-il saisi et par qui ? Aucune réponse n’est fournie par la Constitution non plus que par la loi organique. Relativement au second volet de la mission, l’article 38 de la Constitution envisage l’hypothèse d’ « événements ou de circonstances graves, notamment d’atteinte à l’intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats ». Il doit être noté que dans cette hypothèse, le scrutin est en cours ou s’est tenu, mais les résultats ne peuvent être proclamés. Le Conseil constitutionnel en est saisi « immédiatement » par le président de la Commission électorale indépendante. Compte tenu de l’urgence, le Conseil constitutionnel statue dans les vingt-quatre heures.
Au cas où le Conseil constitutionnel constaterait que les faits correspondent aux prévisions constitutionnelles, il est tenu à l’obligation d’ordonner l’arrêt des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Après quoi, il suit l’évolution de la situation que lui communique quotidiennement la Commission électorale indépendante. Et, aux termes de l’article 38 in fine de la Constitution, « lorsque le Conseil constitutionnel constate la cessation de ces événements ou de ces circonstances graves, il fixe un nouveau délai qui ne peut excéder trente jours pour la proclamation des résultats et quatre-vingt-dix jours pour la tenue des élections ».

PARAGRAPHE II : LES PRESTATIONS DE SERMENT

C’est l’une des attributions révélant la place éminente du Conseil constitutionnel au sein des institutions de la République : par-delà la prestation de serment des conseillers devant le président du Conseil constitutionnel, prévue par l’article 91 de la Constitution, le Conseil constitutionnel en corps reçoit le serment de certaines personnalités : c’est, en tout premier lieu, le cas du « président de la République élu », la plus haute personnalité politique, qui, « dans les quarante-huit heures de la proclamation définitive des résultats, … prête serment devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle ».
C’est aussi le cas du médiateur de la République ; il est, certes, créé par la Constitution. Mais, celle-ci, après avoir fixé quelques principes touchant son statut, confie à la loi organique le soin de l’organiser. Prise en ce sens, la loi organique n° 2007-540 du 1er août 2007 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de l’Organe de Médiation dénommé le Médiateur de la République, institue, par l’effet de son article 6, le principe de la prestation de serment du médiateur de la République devant le Conseil constitutionnel. C’est également le cas des membres de la Commission centrale de la Commission électorale indépendante ; en effet, la loi du 9 octobre 2001 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission électorale indépendante dispose, en son article 7, qu’ « avant leur entrée en fonction, les membres de la Commission centrale de la Commission électorale indépendante prêtent serment devant le Conseil constitutionnel ».
L’on doit savoir que le Conseil constitutionnel intervient en tant que juridiction ; s’agissant de la prestation de serment du président de la République, le Conseil constitutionnel en donne acte à l’intéressé et établit un procès-verbal « pour y être recouru en cas de besoin » ; en ce qui concerne les autres prestations de serment, la formule consacrée est que le président du Conseil constitutionnel en donne acte, renvoie les intéressés à leurs fonctions, et « ordonne que du tout il soit dressé procès-verbal pour y être recouru en cas de besoin ».

PARAGRAPHE III : LE ROLE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROMULGATION DE LA LOI

Aux termes de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le président de la République « assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le président de la l’Assemblée nationale. Ce délai est réduit à cinq jours en cas d’urgence ». Le président de la République n’a pas, en la matière, un pouvoir discrétionnaire, mais une compétence liée : il est tenu à l’obligation de promulguer la loi, sauf à en demander, pendant le délai de promulgation, une seconde délibération qui ne peut être refusée.
Passé le délai prévu pour la promulgation de la loi, si le président de la République n’a ni sollicité une seconde délibération de la loi ni promulgué celle-ci, alors, le Conseil constitutionnel, saisi par le président de l’Assemblée nationale, se substitue au président de la République en déclarant la loi exécutoire, mais seulement après en avoir contrôlé et constaté la conformité à la Constitution. Il suit de là que le Conseil constitutionnel joue un rôle supplétif en matière de promulgation des lois.

PARAGRAPHE IV : LA VACANCE DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE : LE CAS DE L’ « EMPECHEMENT ABSOLU » DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.

La vacance de la présidence de la République, qui est la situation dans laquelle l’institution présidentielle n’a plus de titulaire, se produit, aux termes de l’article 40, alinéa 1er, de la Constitution, en cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu du président de la République. Le décès et la démission, au contraire de l’empêchement absolu, n’ont pas à être constatés par le Conseil constitutionnel. La question est ainsi clairement réglée en conséquence de la controverse née par suite du décès du Président Houphouët-Boigny, en décembre 1993.
Désormais, et ce, depuis la révision constitutionnelle du 2 juillet 1998, dont l’idée est reprise par la Constitution du 1er août 2000, en son article 40, seul l’empêchement absolu fait l’objet de constatation par le Conseil constitutionnel ; il en est ainsi, car l’empêchement absolu seul pose ou peut poser problème quant à son existence.
Il doit être précisé que l’empêchement dont il est ici question est le contraire de l’empêchement provisoire : à celui-ci s’oppose l’empêchement définitif et non l’empêchement absolu qui évoque la mort, laquelle est déjà prévue à travers l’hypothèse du décès. C’est dire que le terme d’empêchement absolu est impropre, et qu’il faut y substituer celui d’empêchement définitif, à la manière des Constitutions française du 4 octobre 195862 ou béninoise du 11 décembre 199063.

A propos de la procédure, la Constitution, en son article 40, alinéa 2, confie au gouvernement seul le soin de saisir le Conseil constitutionnel, après en avoir pris la décision à la majorité de ses membres. Curieusement, aucun délai n’est imparti au Conseil constitutionnel pour statuer.
En final, l’on doit relever que l’exercice des compétences juridictionnelles donne lieu à des décisions. L’article 98 de la Constitution confère à ces décisions une autorité absolue, à deux points de vue : d’abord, les décisions du Conseil constitutionnel sont définitives en ce qu’elles « ne sont susceptibles d’aucun recours » ; ensuite, elles « s’imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale »64. Il en découle l’obligation d’exécuter les décisions du Conseil constitutionnel. Cette obligation pèse sur tous, en tout premier lieu sur les pouvoirs publics. Ceux-ci sont tenus à l’obligation de prendre toutes mesures ou dispositions pour assurer le respect ou l’exécution des décisions rendues.
Ce n’est là qu’un des aspects des fonctions du Conseil constitutionnel, l’autre facette étant constituée de ses compétences consultatives.

Ici, le Conseil constitutionnel joue, en quelque sorte, un rôle de donneur de conseils. Il le fait sous la forme d’avis dont il faut examiner le domaine et préciser la portée.

SECTION I : LE DOMAINE

Les compétences consultatives du Conseil constitutionnel s’exercent en plusieurs matières.

PARAGRAPHE PREMIER : LA DELEGALISATION

Nous avons vu qu’en vertu de la Constitution, chacun des deux pouvoirs politiques a un domaine dans lequel il est habilité à prendre des actes juridiques. L’une des conséquences que la Constitution attache à cette répartition des matières est que le président de la République, détenteur du pouvoir réglementaire autonome, puisse recouvrer la plénitude des compétences dans le domaine qui lui a été consenti.
Ainsi, aux termes de l’article 72, alinéa 2, de la Constitution, il est prévu la possibilité de délégaliser « les textes de forme législative intervenus en ces matières antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Constitution ». Pour ce faire, l’avis du Conseil constitutionnel doit être sollicité par le président de la République avant qu’il ne puisse intervenir en ces matières pour modifier les textes de forme législative qui y ont été pris.

PARAGRAPHE II : LES PROJETS DE TEXTES

Compte tenu, sans doute, de ce que le Conseil constitutionnel assure la garantie de la Constitution, celle-ci prévoit, par l’effet de ses articles 52, 75 et 97, la consultation du Conseil constitutionnel à propos d’un nombre important de projets de textes ; il s’agit des projets de loi, des propositions de loi, des projets d’ordonnance et de décret réglementaire. Ici, il n’y a pas obligation de solliciter l’avis du Conseil constitutionnel ; il s’agit d’une simple faculté laissée au président de la République et au président de l’Assemblée nationale. Ce qui s’oppose à la recevabilité de la demande d’avis présentée par le ministre de la justice à propos de projets de loi65 ou donne lieu à une décision d’incompétence à propos de la question soumise au Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée nationale et tendant à voir précisé le point de savoir si, dans la procédure de révision de la Constitution du 3 novembre 1960, la prise en compte du projet de révision par l’Assemblée nationale doit intervenir avant la saisine de la Commission des Affaires générales et institutionnelles.
En dehors des cas prévus par la Constitution, des questions ont été soumises, pour avis, au Conseil constitutionnel, par les soins du président de la République.
Mais, curieusement et contrairement aux prescriptions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel s’est prononcé au fond ; c’est, à titre d’exemple, le cas de la question tendant à savoir si la situation du pays constituait une atteinte à l’intégrité du territoire national et si, dans l’affirmative, cette circonstance s’opposait à la consultation du peuple; c’est aussi le cas en ce qui concerne la question touchant la validité de la prestation de serment par écrit de M. Alassane Ouattara comme président de la République, et de « la valeur juridique des différents actes posés » par lui.
C’est dire que par les autorités qualifiées, le Conseil constitutionnel n’a pas encore été saisi de demande sur des questions susceptibles de faire l’objet d’avis selon les prescriptions constitutionnelles.

PARAGRAPHE III : LE RECOURS AUX POUVOIRS DE CRISE

La vie de la nation, les pouvoirs publics constitutionnels peuvent être en péril du fait de la survenance de circonstances exceptionnelles. Dans le souci d’assurer la continuité de l’Etat, l’article 48 de la Constitution, imité de l’article 16 de la Constitution française du 4 octobre 1958, confie au président de la République le pouvoir de prendre « les mesures exigées par ces circonstances ». Ce faisant, le président de la République peut aller au-delà du domaine réglementaire ; il peut intervenir dans le domaine de la loi. C’est pourquoi, la Constitution prévoit l’obligation pour lui de consulter, non seulement le président de l’Assemblée nationale, mais, aussi le président du Conseil constitutionnel ; le président de la République doit le faire avant de recourir, éventuellement, aux pouvoirs de crise que lui confère l’article 48 de la Constitution.
L’on doit signaler que cet article a été abondamment utilisé de 2005 à 2011 pour régler des questions liées aux élections de sortie de crise ; mais, rien n’indique que le président du Conseil constitutionnel ait été, au préalable, consulté.

PARAGRAPHE IV : LE REGLEMENT INTERIEUR DE LA COMMISSION ELECTORALE INDEPENDANTE

La loi n° 2001-634 du 9 octobre 2001 relative à la Commission électorale indépendante énonce en son article 47 nouveau : « Le règlement intérieur de la Commission électorale indépendante est soumis pour avis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur sa conformité à la Constitution ». Saisi en ce sens par le président de la Commission électorale indépendante, le Conseil constitutionnel a rendu un avis par lequel il constatait « qu’à l’exception des dispositions de l’article 77, le règlement intérieur de la Commission électorale indépendante est conforme à la Constitution69. Dans la mesure où le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité du règlement intérieur à la Constitution, on peut se demander pourquoi il ne lui est reconnu qu’un simple pouvoir d’avis au lieu d’un pouvoir de décision comme c’est le cas lorsque le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la Constitution du règlement de l’Assemblée nationale, en vertu de l’article 70 de la Constitution.

SECTION II : L’AVIS ET SA PORTEE

Si l’on sait ce que sont les décisions, il n’en va pas de même des avis ; il se pose à leur sujet une double question : celle de leur nature et celle de leur portée.

PARAGRAPHE PREMIER : LA NATURE DE L’AVIS

Les avis que le Conseil constitutionnel est amené à donner sont de deux types : il y a, d’abord, l’avis facultatif ; l’autorité qui le demande le fait en toute liberté ; elle n’est nullement obligée de le faire. C’est, à tire d’exemple, le cas des avis que le président de la République pourrait solliciter relativement aux projets de loi, d’ordonnance ou de décret réglementaire.
Il y a, ensuite, l’avis obligatoire ; ici, l’organe qui le demande est tenu de le faire ; il ne peut se soustraire à une telle obligation ; c’est, par exemple, le cas de l’avis que le président de la Commission électorale indépendante est tenue de solliciter auprès du Conseil constitutionnel à propos du règlement intérieur de ladite Commission. La question est, maintenant, celle de l’autorité de ces avis.

PARAGRAPHE II : LA PORTEE DE L’AVIS

La question de la portée de l’avis conduit à se demander si les avis donnés par le Conseil constitutionnel ou son président obligent les autorités qui les ont demandés. La Constitution ne le dit pas ; au contraire de l’avis, qualifié d’avis conforme par la Constitution, que donne le Conseil supérieur de la magistrature relativement à la nomination et à la promotion des magistrats du siège70, les différents avis sollicités auprès du Conseil constitutionnel ne bénéficient pas d’une telle qualification ; en en faisant des avis à demander obligatoirement ou facultativement au Conseil constitutionnel et en s’arrêtant là, le constituant n’a pas entendu leur conférer une valeur contraignante ; il s’ensuit que les avis produits par le Conseil constitutionnel ou son président n’ont pas, au contraire des décisions, valeur obligatoire ; ils ne s’imposent pas aux autorités qui les ont demandés. Celles-ci, du point de vue juridique, mais non politique, jouissent, en la matière, d’un pouvoir d’appréciation leur ouvrant le droit de faire des avis reçus ce qu’elles veulent

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(20) : Voir, en ce sens, l’arrêt n° 01 du 28 juillet 2000, rendu par la Chambre constitutionnelle, J.O, 3 août 2000

(21) : Article 56, alinéa 1er, du code électoral

(22) : Décision n° E0001/95 du 6 octobre 1995 ; arrêt n° E0001-2000 du 6 octobre 2000 ; décision n° CI-2009-EP-028/19-11/CC/SG du 19 novembre 2009 portant pu blication de la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle

(23) : Article 56 in fine du code électoral

(24) : Article 60, alinéa 2, du code électoral

(25) : Décision n° E/0005/95 du 27 octobre 1995

(26) : Article 64 du code électoral

(27) : Décision n° CI-2010-EP-34/03-12/CC/SG du 3 décembre 2010 portant proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010

(28) : Décision n° CI-2011-EP-036/04-05/CC/SG du 4 mai 2011

(29) : Article 29 de la Constitution du 3 novembre 1960

(30) : Article 100 du code électoral

(31) : Article 75 du code électoral

(32) : Décision n° CI-2011-EL-049/17-11/CC/SG du 17 novembre 2011

(33) : Décision n° CI-2011-EL-052/17-11/CC/SG du 17 novembre 2011

(34) : Article 101 du code électoral

(35) : Article 39 de la loi organique

(36) : Décision n° CI-2012-EL-059/31-01/CC/SG du 31 janvier 2012

(37) : Décision n° CI-2012-EL-067/30-01/CC/SG du 30 janvier 2012

(38) : Décision n° CI-2012-EL-061/30-01/CC/SG du 30 janvier 2012

(39) : Décision n° CI-2012-EL-063/30-01/CC/SG du 30 janvier 2012

(40) : Article 102 du code électoral

(41) : CC, 29 décembre 1995 : Dobré Badobré et Bamba Méma c/ Nimaga Mamadou ; CC, 30 janvier 2012 : Karamoko Yayoro c/ Gourène Germain

(42) : Décision n° L002/97 du 2 avril 1997

(43 : Décision n° L008/97 du 16 juin 1997

(44) : Décision n° 002/CC/SG du 17 décembre 2003

(45) : Articles 71 in fine, et 95 de la Constitution

(46) : Article 21 de la loi organique

(47) : Voir infra, 2° le contrôle facultatif

(48) : Article 95, alinéa 1er, de la Constitution ; article 18, alinéa 2, de la loi organique.

(49) : Article 70 de la Constitution

(50) : Décision n° 2006-014/CC/SG du 15 juin 2006

(51) : Articles 77 et 95, alinéa 2, de la Constitution ; article 20 de la loi organique

(52) : Article 95, alinéa 2, de la Constitution

(53) : Article 77 in fine de la Constitution

(54) : cf Francis Wodié : La loi, Conférence inaugurale, Faculté de Droit d’Abidjan, 1996 ; texte édité par les Editions du CERAP, Abidjan, 2011

(55) : Article 19, alinéa 2, de la loi organique

(56) : Article 21 de la loi organique

(57) : Décision n° CI-2012-131/27-03/CC/SG, relative à la requête en inconstitutionnalité des articles 256 à 266 du code des assurances de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances dit code CIMA, du 27 mars 2012

(58) : Décision n° CI-2009-15-10/D025/CC/SG du 15 octobre 2009

(59) : Article 71 de la Constitution

(60) : Article 72 de la Constitution

(61) : Article 39 de la Constitution

(62) : Article 7

(63) : Article 50

(64) : Article 98 de la Constitution (65) : Avis n° A/0002/95 du 20 octobre 1995 ; avis n° A009/98 du 4 septembre 1998

(66) : Décision n° L003 du 22 mai 1998

(67) : Avis n° 003 du 17 décembre 2003

(68) : Avis n° CI-2010-A-035/22-12/CC/SG du 22 décembre 2010, relatif à la prestation de serment par écrit de M.Ouattara Alassane et aux actes qui en découlent

(69) : Avis n° CC/2005/008/SG/CC du 22 mars 2005

(70) : Article 106 de la Constitution